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jeudi 17 mai 2007

421 - Un nouveau riche

Par temps sec on le voyait marcher sur son toit en portant un seau d'eau qu'il déversait cérémonieusement sur le faîte. Les jours de pluie il ouvrait portes et fenêtres, poussant des cris douteux au son de sa lyre, une vraie lyre sonore et dorée. Le samedi, c'était jour de hibou : il imitait le cri de l'oiseau du matin au soir.

Émile était un fada.

Un peu poète, un peu original, toujours plongé dans ses drôles de rêves. Tout le monde l'aimait dans le village, bien qu'il fût boiteux, paillard et passablement bavard sur ses chaussettes. Un jour le curé vint le voir pour lui proposer une affaire. Du jour au lendemain Émile devint riche comme Crésus. Certains prétendirent que l'abbé serait venu chez lui pour traficoter tous les deux avec le Diable. C'était la première fois que l'on voyait l'Émile vêtu de velours et de soie, il fallait bien douter...

On le voyait toujours faire l'équilibriste sur son toit. Mais cette fois il se versait du vin fin dans le gosier, se contentant d'évacuer sa vessie sur les tuiles au lieu d'y répandre son habituel seau d'eau de puits. Il chantait toujours aussi faux sous l'onde vernale, mais il faisait grincer sa lyre avec de la dentelle au poignet. Le samedi il rendait toujours hommage à son volatile favori, mais le concert de hululements diurnes portait loin dans le village, amplifié par un puissant haut-parleur.

Émile était devenu riche, jalousé par certains, ami fidèle du curé, discret sur la provenance de sa fortune bien qu'invariablement prolixe sur la laine qu'il portait aux pieds, fier de porter chapeau et chemises ouvragés, encore plus célèbre qu'avant dans la contrée.

Mais toujours aussi fada.

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