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dimanche 20 mai 2007

586 - Repas entre amis

Je me promenais d'un pas oisif comme à l'accoutumée lorsque, pour une fois, je passai par hasard devant chez les Trivieux, la famille "bruyante" du village. Gens au grand coeur, simples et joviaux, à la culture limitée mais au sens de l'accueil développé, ils ne purent se retenir de m'inviter à venir partager leur repas. Comment aurais-je pu dire non ? Un refus de ma part, même courtois, eût été mal interprété par ces esprits certes généreux mais fort susceptibles, prompts aux représailles verbales, voire à la franche querelle . Et puis n'était-il pas l'heure de manger après tout ? Cela me changerait agréablement de mes habitudes aristocratiques, pensai-je. D'autant que cette invitation impromptue formait là une circonstance heureuse pour approcher cette famille indigente, l'occasion inespérée d'étudier de près cette espèce sociale singulière.

Famille au sort maudit, rongée depuis des générations par des problèmes sociaux multiples, les Trivieux n'en étaient pas moins des gens honnêtes, travailleurs, serviables, débrouillards, très attachés à leurs trois gros bergers allemands, prêts à se saigner aux quatre veines pour eux, payant sans rechigner les meilleurs vétérinaires quand il le fallait, ne lésinant pas sur leur nourriture, abondante et de qualité. Certes leur réflexion ne dépassait pas la hauteur de leur friteuse électrique, mais au moins avais-je affaire à des êtres sans aucune malice intellectuelle. Ce qui pour mon esprit las des intrigues mondaines paraissait plutôt reposant. Du moins au premier abord.

J'allais vite déchanter.

Dès que je fus attablé, diverses vagues sonores et alimentaires m'assaillirent de toute parts : un énorme plat de frites entourées de gros morceaux de porc ruisselant de graisse m'attendait, le bruit de fond inaudible de la télévision poussée presque à fond se mêlait aux grésillement infâmes venant de la radio mal réglée posée elle-même sur le poste de télévision, des canettes de bière bon marché s'entrechoquaient sur la table tremblant sous le séisme familial, les bergers allemands surexcités par ma présence ajoutaient leurs aboiements au concert, donnant à la cacophonie une allure irréelle d'orchestre furieux, diabolique, assourdissant !

Le tout dans une atmosphère enfumée absolument irrespirable formée par les brumes âcres du tabac et les vapeurs vives de la friture. A ce brouillard artificiel se mêlaient les odeurs tenaces d'huile rance et d'haleines de chiens. Étourdi, je ne savais où donner de la tête. Mes hôtes riaient de me voir si bien entouré, n'imaginant pas un seul instant ma terrible solitude...

Les agressions feutrées de l'esprit que j'avais l'habitude d'affronter dans les boudoirs étaient remplacées ici par des agressions culinaires. Brutales. Les joutes verbales, ludique et élégante, si joliment cultivées dans les salons littéraires avaient fait place chez les Trivieux à l'offense au goût, pure et simple. Le choc fut à la mesure de ma curiosité. A la fois fasciné et terrifié par la situation, je décidai de donner le change pour me sortir au plus vite de l'impasse. Je goûtai aux frites du bout des lèvres, feignant affectionner cette nourriture grossière. Je ne pus cependant me résoudre à toucher à la viande de porc. Comment expliquer à mes hôtes en termes accessibles que j'avais proscrit de mon alimentation cette viande que j'estimais impure ?

Dans un élan désespéré je me levai d'un bond à peine le repas commencé pour me précipiter vers la sortie en débitant mille excuses académiques et inintelligibles qui seules pouvaient m'absoudre aux yeux de mes hôtes, impressionnés qu'ils avaient toujours été par la langue châtiée qu'ils ne pratiquaient point mais qu'imbécilement ils respectaient, de la même façon qu'un ignare respecte naturellement le chapeau de l'érudit.

C'est ainsi que je pus sortir sans trop de dommage de cette instructive mésaventure.

Les Trivieux ne m'en ont jamais voulu d'avoir quitté si hâtivement leur table. Ils continuent à me saluer dans la rue, comme si rien ne s'était passé.

Ils ont pris ma fuite pour une simple diarrhée passagère.

1 commentaire:

  1. L’ermite

    Les regards des réspectueux paysans roumains, souriaient d’une fierté décemment cachée. Recevoir à leur table un professeur et sa famille c’était un honneure qui faisait de leure maison la vedette de la journée chêz eux, dans leur petit village au supermarché pauvre. Les tomates coupées en tranches grossières mais éclatantes sur le plat blanc, aupres du fromage délicieux, annoncaient un repas simple mais d’une fraîcheure naturelle.
    Détrompez vous ! La femme toujours souriante, d’un air glorieux, apporte des saucissons de porc, trempés, noyés, de graisse. J’ai des limites, moi ; celle du bas vers lequel je peux descendre c’est la chair porcine.
    Ayant à choisir entre deux maux : réfuser le plat servi et celui d’avaler les saucissons je choisis le premier. Je m’excuse poliement, sous les regards pleins de pitié des paysans qui m’attribuent menthalement quelque maladie indicible en phase términale à cause de laquelle je ne peux pas me réjouir des jolis saucissons roses, comme tout mes semblables affigeament normaux.
    Je me lève de leure table. Je traverse la rue étroite. Des vieilles femmes vêtues de couleurs stridentes portent à peine de gros sacs en plastique contenant je ne sais quoi de très nécessaire….des jeunes filles aux boustières d’un mauve foncé et des enfants mal-vêtus et sales m’affligent. Un monde des gens qui vivent dans le supperficiel, comme les débris ménagères sur l’onde de la fange. Comment leur dire qu’ils devraient se sentir des oiseaux blancs ? Y pensant, je cottoye les allentours qui sont supebes ; la forêt sonore me dédie les nottes de ses chanteurs ailés. Dans l’océan d’un vert pur, mes yeux se heurtent contre un rembrandienne, rouge, viollente « carcasse de bœuf » : les ruines d’une église. Le petit squelet écarlat m’attire inéxorablement. J’y vais, sans détour. L’église n’a plus de toit, plus des tours. Du splendid sanctuaire ne sont restés que les murs et les orbithes aveugles des fenêtres, par lesquelles le ciel entre à l’intérieur, sans aucun filtre ni artifice.
    La peinture ne s’est pas preservée. Les pluies acides de la campagne, saturées des vapeurs d’acool du bar vilageois, placé juste acoté de l’église, ont craché aux visages des saits et des anges, en les faisant s’évanouir dans leur univers étoilé. Mais pas tous. Il y est resté un.
    Un vieux ermite. J’ignore son nom, il pourrait être Antonie, Eftimie, Azarie ou Clement. Peu importe. Il est seul, seul , tellement seul que sa solitude me fait mal. Il se délimite de notre monde agressif par un géste qui signifie la bénédiction mais aussi sa réserve, la deffence et la distance face au vulgaire. Il est vieux, hautain et froid, l’ermite. Son visage est noirci par le temps et les intempéries, meme sévere, neigé d’un calme austhère, d’une paix profonde, à glacer le sang.. Vêtu d’un bleu profond, il apporte le ciel sur les briques saignantes des ruines écorchées par l’indifférence humaine.
    Je le sens plus seul que jamais, plus seul qu’a l’époque ou il a choisi la vie solitaire .
    Personne à le regarder, personne à l’observer, même. Il est enterré dans son ciel sans entendre une cantique ou écouter une prière muette. Tant de sainteté accrochée a un mur, crucifiée sur le rien de nos âmes vides. Tant de disponibilité vibrante, vers des gens qui ne se rendent même pas compte de ce qu’ils ont aupres d’eux… Il est plus que seul : il est oublié ; pire, il est mourrant, car personne ne semble plus avoir besoin de lui.
    Je lève les yeux pour rencontrer les siens. Ses regards ne vont pas vers l’extrérieur, mais dans les hautes profondeures de lui-même, c’est pourquoi, je pense, il a résisté …dernier gardien sacré et aimant, d’un éspace impie. Je caresse ses mains fines, brunes commes les câhtaignes et me déclare son amie a jamais, sa complice : lui et moi, nous aimerons les gens sales et laids du village, qui ne savent plus aimer et qui ne sentent plus le besoin d’ être aimés. Un jour, peut-être, ils seront touchés par l’aile de l’amour et se sentiront des oiseaux blancs.

    Liliana

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